Bror Gunnar Jansson Lille
Logo de la salle de concert L'Aéronef

Bror Gunnar Jansson @ Lille

Enfin ! Bror Gunnar Jansson est de retour à Lille ! Après l’avoir découvert sur la scène de la gare St Sauveur en plein été 2016, il investit cette fois la scène de l’Aéronef en mode club: la salle est réduite pour des concerts plus intimistes. Et dans le cas de ce soir, sold out.

Mais Bror Gunnar Jansson n’était “que” la première partie, la tête d’affiche étant Left Lane Cruiser. A l’heure où j’écris ces lignes, 4 des dates de la tournée française de Gunnar Jansson sont déjà complètes (Paris, Nantes, Rouen et donc Lille). Le jeune suédois a fait pas mal de promo à la TV, sur France 5 ou Canal plus où un autre public l’a découvert.

Il a sorti deux albums depuis août dernier. Enfin, un album coupé en deux “And The Great Unknown Part One” et “And The Great Unknown Part Two”, récemment ressorti en un seul double CD… comme quoi, même chez les éditeurs indépendants, on utilise les grosses ficelles… Mais on leur pardonne tout, parce qu’ils éditent ce prodige de la musique.

Je pense que le concert d’hier soir était pour moi le concert de l’année, malgré qu’il n’ait duré qu’une heure. Bror Gunnar Jansson, au delà de ses qualités de chanteur ou de compositeur, est un conteur de génie. On retrouve dans ses morceaux une galerie de personnages récurrents, comme Edward Young ce pasteur démoniaque, qui ne se sépare ni de sa bible, ni de son revolver… ou Butch, ce boxeur cubain idéaliste, ou encore William ce serial killer glaçant…

Il se construit un univers bien à lui, sombre, cinématographique, quelque part entre Martin Scorcese et Sergio Leone, et c’est le petit “plus” qui fait que, personnellement, j’adore.

A 20H30 il est entré sur scène: pantalon a rayures, chemise beige, foulard rouge, chapeau kaki et chaussettes noires, et un petit calepin à élastique. Certains artistes impriment leur setlist à l’arrache, les raturent, d’autre font sans… Bror Gunnar Jansson a un calepin vintage. Ca résume tout.

Il est ce que l’on a coutume d’appeler un “one man band” : il joue de la guitare électrique, de la caisse claire du pied gauche, du charley et de la grosse caisse du droit. Sans compter les effets qu’il prépare au début des morceaux. En France on n’a pas vraiment d’exemple très reluisant à ma connaissance, mais le monde du blues a quelques trouvailles de ce genre, comme Jesse Fuller.

Il a commencé son set avec “War Tubas”, s’inspirant des dispositifs d’écoute des guerres mondiales pour incarner un personnage ivre de pouvoir. C’est limite politique. C’est un morceau brut, ou les explosions vocales et électriques installent une tension palpable. Nous sommes juste devant, l’énergie qui insuffle dans sa prestation justifie le terme “incarner”.
Il enchaîne avec “Moan Snake Moan Part III”, au rythme rapide, qui le fera d’ailleurs vaciller sur la fin du morceau.

La part belle est faite à son dernier album, avec le chef d’œuvre “Edward Young Took His Gun”: comme sur chaque morceau mettant en scène ce prêtre, Gunnar Jansson prouve sa maîtrise du tempo lent, il ose l’imprudence du silence, et le morceau se construit lentement, ses talents de réalisateur/chanteur nous mettent sur le chemin d’Edward Young. Là ou sur l’album, Gunnar Jansson joue du saxophone, il ne va pas jusque là en live, et le remplace par un sifflement rendant le morceau encore plus intimiste, et donc puissamment évocateur. Le meilleur moment du concert pour moi.

I kept the bible near my heart, and in my hand, a loaded gun

Il a enchaîné avec un autre morceau calme “While I Fight the Tears”, une ballade plus accessible qui puise dans les racines du blues, et sur ce terrain là aussi il fait mouche, les 500 personnes écoutent religieusement.

Après avoir délaisse la batterie, elle est de nouveau sérieusement mise à contribution avec “The Lonesome Shack” avec son rythme galopant et son final désarticulé, puis sur “He Had a Knife in His Hand”, un blues bien gras, la voix de Gunnar plus agressive, les lumières se teintent de rouge pour l’apparition du psychopathe William: on le connaissait tueur implacable, il nous révèle être un cuisinier qu’Hannibal Lecter n’aurait pas désapprouvé…

Butch est de la partie aussi avec l’excellent “I Ain’t Going Down That Road No More”, l’histoire de ce boxeur cubain qui immigre en Amérique, se retrouve pris dans l’engrenage des matches truqués, et décide d’y mettre fin. Quand je vous parlais de Scorcese… Gunnar Jansson, toujours ingénieux, gratte les cordes de sa guitare tout en tenant deux genres de maracas scotchées entre elles pour marquer le rythme.

Mais il annonce malheureusement déjà le dernier morceau : Edward Young est de retour sur un titre audacieux, surtout pour clore un concert: c’est un morceau très lent, où les silences comptent autant que les mots, et qu’il commence sans accompagnements. La guitare fini par s’en mêler admirablement au fur et à mesure que le héros se rends compte que ce prêtre est somme toute démoniaque: on redécouvre Edward Young cette fois vu par un homme qui va se faire baptiser. Un chef d’œuvre.

He claims the Lord speaks through him…. but I’m not so sure…

Si vous n’êtes pas sensible à une ambiance, un texte, et attendez plus d’un bluesman qu’il vous fasse sauter partout, passez votre chemin. Bror Gunnar Jansson est investi d’une mission : proposer son monde, et même s’il est flippant, il est fascinant et se savoure comme un bon thriller.

Un très grand merci à Nicolas pour l’accréditation photo.

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