Ete 85. Le rock progressif est agonisant. Yes et Genesis flirtent avec succès vers la pop, Pink Floyd s’est auto-détruit, King Crimson aussi. Mais, depuis 2 ans, les très anachroniques anglais de Marillion sortent une prog pop de bonne facture: après “Script from a Jester’s Tear” et “Fugazi”, ils sortent leur chef d’oeuvre “Misplaced Childhood”.
A l’instar d’un “Animals” ou d’un “The Lamb lies Down On Broadway”, “Misplaced Childhood” est un album concept, écrit par le chanteur de l’époque, le charismatique écossais Fish: suite à un trip d’acide, il s’est inspiré de son adolescence, de la perte d’amis chers et de ses récents échecs amoureux pour écrire très rapidement la structure de cette histoire. Il déclarera être tellement déprimé et mal avec ses excès de drogues et surtout d’alcool pour être dans la situation idéale pour écrire un album comme celui-là à ce moment là.
Tout commence avec une histoire de petites amies. Tout d’abord Kay, le grand amour de Derek (aka Fish) mais celui-ci étant trop instable, il a perdu cet amour, ainsi que beaucoup d’autres, ce qui lui a inspiré les paroles de Kayleigh. Le riff de ce titre a été inspiré par la petite amie d’alors de Steve Rothery, le guitariste, qui, à sa demande, lui a fait une démonstration de riff liant rythme et mélodie. Les ingrédients du tube – expressément requis par leur maison de disques EMI après l’échec cuisant du deuxième album de Marillion “Fugazi” – étaient là.
Pour la petite histoire, la véritable Kay Lee (en deux mots) a assisté à un concert de Fish en 2005, lorsque celui-ci à fait une tournée anniversaire ou il reprenait l’intégralité de Misplaced Childhood. Ils ont discuté et Kay a pris conscience de ce qu’il avait écrit pour elle. Ils ont renoué contact mais malheureusement, atteinte d’un cancer, elle décèdera peu après.
Après avoir écrit la majeure partie de leur album dans un studio du Surrey, EMI, leur offre les mythiques studios Hansa à Berlin, là même ou David Bowie a enregistré sa fameuse trilogie Berlinoise quelques années auparavant. Fish a profité de l’ambiance Berlinoise pour laisser libre cours à ses excès divers, ne facilitant pas l’enregistrement de l’album.
Néanmoins, dans le sillage de la locomotive “Kayliegh”, le succès est au rendez-vous, un succès énorme, que Marillion ne retrouvera jamais. Les concerts s’enchaînent partout en Europe et aux USA
Mais l’ambiance difficile au sein du groupe avec les excès de Fish, conjugué au succès énorme de l’album à sa sortie aura raison de la formation d’alors de Marillion. Ils sortiront encore un album, “Clutching At Sraws”, là encore autobiographique où Fish expose ses démons, puis il quittera le groupe.
A l’instar d’un Genesis voyant partir Peter Gabriel, Marillion, contre toute attente, survivra à ce départ avec l’arrivée de Steve Hogart, dit H, au chant.
“Misplaced Childhood” est un album majeur du rock prog, plus proche d’un Genesis années 80 en terme d’accessibilité que d’un King Crimson, mais musicalement irresprochable: les mélodies n’ont pas pris une ride, le thème est intemporel.
Le mix original est déjà d’excellente facture, mais Mr Prog est passé par là en 2017 : Steven Wilson a en effet fait son remaster de Misplaced Childhood, 5.1 et cie. Inutile de dire que c’est forcément excellent. Nécessaire ? je ne pense pas, mais je ne suis pas objectif, étant habitué au mix original.