La curiosité, ça a du bon. Je ne connaissais quasiment pas Hubert-Félix Thiéfaine, à part repris par des amis autour d’un feu un soir d’été. Ayant l’opportunité de faire des photos de son passage au Zénith de Lille, j’en ai profité. Et ai pris une claque monumentale, avec sans doute ce qui restera pour moi comme le concert de l’année.
La première chose qui étonne, c’est le public. J’ai rarement vu le Zénith plein à ce point, ça ne devait pas être loin d’être complet. Et ceci pour un artiste peu médiatisé.: en voilà un qui a su fidéliser son public avec brio.
Il y a une première partie, en la personne de Joseph D’Anvers. Son nom me disait quelque chose, sans que je puisse me souvenir d’où je l’avais entendu. Il m’a rendu service vers la fin de son set en parlant de Bashung, pour qui il avait écrit “Tant de nuits” sur “Bleu Pétrole”. Bravo Joseph. Son set, de très bonne qualité et qui donne envie de découvrir cet artiste, est très bien accueilli. Il laisse la place à Thiéfaine au bout de 30 minutes.
La scène est baignée de bleu sombre, les silhouettes des deux guitaristes se découpent en ombres. Lorsque Thiéfaine entre sur scène, le public l’acclame avec une ferveur rare: il dégage un charisme certain, et la mise en scène le magnifie: le crescendo de “En remontant le fleuve”, Hubert au micro sur pied, les percussions qui montent, c’est assez puissant.
Il prend le micro en main et se ballade sur scène sur “Amour Désaffecté”, et enchaîne sur “Errer Humanum Est” plus rock Le public est plus que chaud, chante les paroles, couplets ET refrains. Une telle ambiance dès le 3ème titre est rare.
Retour sur un titre du dernier album avec “Médiocratie”, magnifique néologisme. Sans connaître Thiéfaine, on se dit que c’est quand même vachement sombre tout ça. Mais si on compare un peu avec ce qu’il a fait avant, pas tant que cela finalement, il y a une petite lueur d’espoir. “Confessions d’un never-been”, petite intro au piano, un texte superbe, là encore repris par une bonne partie du public, avant que le groupe ne rejoigne l’ensemble. Thiéfaine s’entoure d’ailleurs d’un groupe excellent, avec une belle couleur musicale, quel dommage que le son du Zénith ne soit pas à la hauteur ce soir.
Après quelques phrases en latin, c’est “Angelus”, ça sonne très single, mais j’y accroche un peu moins. Mais la chanson suivante “Karaganda” c’est monumental: Hubert introduit le morceau en citant un poète Polonais qui avait écrit dans les ruines de Varsovie “Nous t’attendons peste rouge, pour nous délivrer de la peste brune”. “Karaganda” est un morceau martial, avec une basse très présente, et un tableau dramatique intelligemment peint par les mots de Thiéfaine.
Nouvelle citation en espagnol cette fois pour introduire “Autoroute Jeudi d’Automne”, un morceau plus ancien, puis enchaînement sur “Femme de Loth”, là encore c’est bien rock. La découverte de tels morceau en live n’est pas évidente, la musique de Thiéfaine gagne à être écoutée plusieurs fois pour être apprivoisée.
Le titre suivant est plus accessible, “La Ruelle des Morts”, single du précédent album. Quelques nostalgiques des années 80 sifflent, mais l’immense majorité du public savoure ce titre bien ciselé. Sur “Fenêtre sur Désert”, on reste nostalgiques et on replonge dans le dernier album, avant un flash-back avec un titre visiblement très attendu par le public. Thiéfaine la présente comme une chanson du début des années 70, composée en revenant d’une manif sur le site de Fessenheim. Il s’agit du chef d’oeuvre “Alligator 427”: une intro en petite valse, les guitares qui rugissent bientôt, le public qui acclame sur les premiers mots de Thiéfaine, qui nous laisse bientôt crier “Je Vous Attends” à sa place. Je ne connaissais rien de ce morceau, et j’avais la chair de poule: le texte, la diction, la construction, on dirait du rock prog.
Le groupe sort de scène, Hubert reste seul avec sa guitare pour “Je T’en Remet Au vent”, un titre que je n’ai pas savouré en live, après le coup de massue d'”Alligators 427″, mais c’est une très belle chanson d’amour, façon Thiéfaine: c’est pas super joyeux, forcément. Mais le public qui chante à l’unisson, c’est toujours splendide. Je me sentais un peu con, le seul à ne pas connaître les paroles dans le Zénith.
Toujours seul, harmonica autour du cou, il enchaîne avec un morceau que j’avais découvert le matin même, et qui m’avais ému par ses paroles terriblement noires: un esprit qui a pu écrire ceci s’y connaît en tourments. Il s’agit de “Petit Matin, 4.10, heure d’été”. Un chef d’oeuvre dont je n’arriverai pas à exprimer la fascination qu’il exerce sur moi. Et je continue d’abreuver mes oreilles avec le titre suivant “Syndrome Albatros”: une basse évocatrice, une mélodie qui reste en tête. Je pense que c’est à ce moment là que j’ai réalisé qu’il se passait quelque chose à ce concert, qui allait impliquer pas mal d’achats d’albums.
“Stratégie de l’Inespoir”, la chanson titre du dernier album vient ensuite. Je la connaissais déjà, mais reprise par un grand Viking à la voix rauque (merci Jean-Chri). C’est jubilatoire de reconnaître un morceau joué en live devant soi, alors qu’on ne le connaissait pas sous cette forme.
Le morceau suivant est visiblement très populaire aux oreilles du public de Thiéfaine, il s’agit de “Lorelei Sebasto Cha”: là encore tout le monde chante, saute sur le refrain. Quelle ambiance… “113ème Cigarette sans Dormir” est de la même trempe, un riff de guitare qui reste en tête, ça bouge, ça chante. “Bipède à Station Verticale” reste bien rock. Je comprends les admirateurs de longue date qui trouvent les derniers albums plus “mous”: les concert d’il y a 30 ans devaient être très musclés.
“Sentiment Numériques Revisités” calme un petit peu le jeu. Un superbe morceau avant que Thiéfaine en profite pour présenter les musiciens: à la batterie c’est Bruce Cherbit, à la basse Marc Perrier, aux claviers et guitares, Christopher Board. Alice Botté, le gaucher ovationné, est à la guitare électrique côté jardin. Côté cour, aux guitares et aux arrangements c’est Lucas Thiéfaine, le fils de. Une bien belle équipe.
Dernier morceau avant les rappels: le mélancolique “Résilience Zéro” issu du dernier album. Après un final électrique pendant lequel Hubert s’éclipse en coulisses, les applaudissements résonnent une fois de plus dans le Zénith, on entends pas mal de “OOOh OOOh” d’un air que je ne connais pas, mais qui semble plutôt populaire ici.
Le groupe revient sur scène pour “Les Fastes de la Solitude”, puis le classique “Les Dingues et les Paumés”, qui accroche le public une fois de plus. Mais ce n’est rien comparé à “La Fille du Coupeur de Joints” issu de son premier album, qui fait chanter tout le Zénith, qui en redemande encore.
Mais pour le dernier titre, Thiéfaine joue la carte de l’émotion avec “Des Adieux”, encore un texte fort, seul à la guitare.
Une révélation pour moi. Je ne peux pas comparer par rapport à d’autres tournées, contrairement aux fans que j’ai pu entendre à la sortie. Certains reprochent une tournée plus “calme”. Pour ma part ça me convient parfaitement, les titres les plus rythmés n’étant malheureusement pas mis en valeur par la qualité du son ce soir. Dans tout les cas, c’est une superbe découverte pour moi; Thiéfaine est un artiste à part, mais entier.
Une fois de plus, merci à Victoria pour l’accréditation, et à Luc & Jean-Chri pour avoir suscité la curiosité…
Thiéfaine au zénith : la setlist
En remontant le fleuve
Amour désaffecté
Errer humanum est
Médiocratie
Confessions d’un never been
Angélus
Karaganda (Camp 99)
Autoroutes jeudi d’automne
Femme de Loth
La Ruelle des morts
Fenêtre sur désert
Alligators 427
Je t’en remets au vent
Petit matin 4.10 heure d’été
Syndrome albatros
Stratégie de l’inespoir
Lorelei Sebasto Cha
113ème cigarette sans dormir
Bipède à station verticale
Sentiments numériques revisités
Résilience zéro
Rappels:
Les Fastes de la solitude
Les Dingues et les Paumés
La Fille du coupeur de joints
Des adieux …/…
merci chouette article , et superbe photos