Yann Tiersen Roubaix
Logo de la salle de concert Le Colisee

Yann Tiersen + Quinquis @ Roubaix

Après 3 reports et deux albums depuis que j’ai acheté ma place initiale, Yann Tiersen est enfin au Colisée ce soir. Exit le piano de Eusa, les guitares de Dust Lane, et l’accordéon des débuts. Ce soir, c’est synthétiseurs modulaires et ordinateurs. Ca n’a pas plu à tout le monde.

–> photos

Yann Tiersen est un artiste à part. Il fait ce qui lui plait, et il est en constante évolution. Ca demande un certain suivi de la part de son public, et à entendre les échos à la sortie du spectacle, une partie du public du Colisée est resté bloquée en 2001. C’est très mal connaître Yann qui avait déjà divisé en 2011 à la sortie de Dust Lane, ambiance post-rock.

Depuis la magnifique tournée Infinity en 2014, Yann a continué son processus créatif avec un album au piano, le splendide Eusa, puis le chef d’œuvre ALL, entre piano, field recording et sound design. Il s’est offert le luxe de revisiter sa carrière dans son nouveau studio en mode analogique sur Portrait, et enfin l’année dernière, Kerber, où les synthétiseurs inspiraient le piano. Et il a achevé sa mue cette année avec 11 5 18 2 5 18, version numérique de Kerber.
Ecouter les albums de Yann Tiersen chronologiquement est fascinant, on discerne dans chaque album ce qui sera le pont avec le suivant. Dans le cas de 11 5 18 2 5 18, ce n’était pas la première incursion de Yann dans la musique électronique, il s’y était déjà essayé entre 2013 et 2015 avec le groupe Elektronische Staubband.

Si bien que ce soir sur scène, il y a 2 tables surchargées de câbles et de synthétiseurs vintage. Et c’est tout.

En première partie, c’est Quinquis, alias Emilie Tiersen, la chère et tendre de Yann, régulière collaboratrice sur les albums de son mari, ici en duo avec un autre musicien dont je n’ai pas saisi le nom, qui nous joue quelques morceaux de son premier album sous ce nom “Seim”. Des textures électroniques, du chant en breton, ou en welsh (pas le truc au fromage, plutôt la langue du pays de Galles), et des introductions qui contextualisent les titres pour ceux qui ne parlent pas breton. De très belles compositions, sur lesquelles elle dégage une force et une simplicité au service de la musique, qu’elle délivre avec passion.

Peu après c’est au tour de Yann, toujours aussi direct. Il entre sur scène accompagné de Jens L Thomsen, se fend d’un “Salut ca va ? Faut qu’on s’accorde” et en effet, ce sont des synthétiseurs, mais modulaires : pour simplifier, les sons produits proviennent tous de sinusoïdes créées par des oscilloscopes, sur lesquels les musiciens appliquent des effets en cascades. Donc non, ce ne sont pas juste deux gars qui lancent des boucles d’une main depuis des ordis.

Après quelques réglages, c’est parti pour le concert. On ne va pas se mentir, j’étais préparé, j’écoute souvent 11 5 18 2 5 18 (bien plus que Kerber en fait) mais ce n’est pas évident d’entrer dans le concert. Certes j’étais occupé à essayer de faire des photos d’un gars caché derrière un synthé dans la quasi obscurité, mais la musique à un côté un peu “froid”. Il faut prendre le temps d’entrer dans le spectacle, qui ne se vit pas comme un concert “habituel” pour moi, avec des instruments plus démonstratifs.

Il n’est pas évident de retrouver la mélancolie propre aux plus belles compositions de Tiersen, qui se retrouvent ici, déconstruites, triturées, remontées à l’envers.
Mais on y trouve autre chose.

On retrouve bien quelques lignes de piano ou même de violon lancées depuis le synthétiseur, Emilie vient aussi donner de la voix, notamment sur Mary, qui a bien changée depuis Elizabeth Fraser en 2005.
Elle chante aussi, à capella, le petit joyau qu’est “Gwenilied”, avant d’être rejointe par Yann très subtilement au début. Et ce morceau est pour moi le point noir du concert, d’autant plus frustrant que j’adore ce titre sur All, et encore plus sur Portrait, chanté par Emilie.
Yann est un musicien accompli, à l’aise, on l’a vu, dans bien des styles. Mais s’aventurer dans la musique concrète après 20 minutes de concert, c’était un peu too much. Il a perdu une partie du public sur le final de ce morceau, qui évoquait plus du sound design que de la musique proprement dite, à mes oreilles (et à celles d’une partie du public) du moins.

Mais il faut faire confiance à l’artiste, surtout un de cette trempe, et ceux qui sont partis n’ont pas eu la chance d’avoir la suite. Il y aura bien une autre incartade en musique concrète, en rappel, quelle drôle d’idée, moins longue heureusement, mais c’est lorsqu’il reste dans des morceaux plus “musicaux” qu’il excelle, dans le style de Kraftwerk par exemple – j’ai même entendu un clin d’œil Kraftwerkien avec l’alarme de Radioactivity sur 1 18. 13 1 14 5 18. 11 15 26 8. Ou même du Jean Michel Jarre sur 11 5 18. 1 12. 12 15 3 8, où le rythme métronomique et insistant est caractéristique de l’électro. Le fantôme de Klaus Schulze n’est pas loin non plus sur les nappes d’arpéggiateur.

Mais le summum du concert réside en deux titres. L’un évident, l’autre plus malin. Le premier est P.AL.E.S.T.I.N.E., qui depuis Dust Lane, est devenu un classique de Tiersen, et le traitement électro s’y prêtait bien bien avec ces lettres énoncées. Ici c’est admirablement amené, avec des nappes de sons, puis le rythme qui fait battre du pied, la mélodie, géniale dans sa simplicité, qu’on retrouve avec plaisir. Seul regret : c’était trop court. Les très nombreux remix déjà existants le prouvent, il y avait de quoi nous emmener pendant 10 minutes.
Et, comme sur Dust Lane, il a enchaîné sur “Chapter 19”. Morceau que j’adore sur “Dust Lane” et sur la tournée Infinity. Et là…
Au début je déteste. quasiment pas de musique. Un son en boucle. Le texte, chanté de manière si extatique et fragile est ici dépourvu de toute vie. Ne reste que les mots, récités, atonaux. Puis quelques arpèges s’échappent, rappellent la mélodie d’origine, mais mélangée. Sorte de version sadique d’une belle chanson. Puis le rythme s’installe, très discothèque. Et derrière, quelques accords qu’on reconnait, mais loin derrière l’arpéggiateur qui continue de mélanger les notes.
Et c’est là qu’on comprend que Yann s’est joué de nous et qu’il a gagné. Le morceau, à l’aide des projections hypnotiques derrière, est devenu post apocalyptique. Il existe au milieu de la tempête. Il a changé. Et la conclusion reste la même : “Nothing”. Puis comme une postface, la mélodie revient enfin, comme une scie musicale samplée. C’était du grand art.

Yann Tiersen est exigeant avec son public. Il n’est pas toujours aisé de le suivre sur tous les terrains, surtout quand on a acheté son billet après “Portrait”, il y a près de 3 ans, je peux le concevoir. Il y avait des longueurs, des passages ou j’accrochais un peu moins, mais je ne regrette absolument pas ma place au premier rang. C’était l’occasion de voir une autre des facette de ce musicien qui sort des sentiers battus.

 

Yann Tiersen au Colisée de Roubaix : la setlist

11 5 18 12 1 14 14
11 5 18. 25 5 7 21
16 15 21 12 12. 2 15 10 5 18
13 1 18 25
7 23 5 14 14 9 12 9 5 4
11 5 18 2 5 18
11 5 18. 1 12. 12 15 3 8
1 18. 13 1 14 5 18. 11 15 26 8
16 1 12 5 19 20 9 14 5
3 8 1 16 20 5 18. 14 9 14 5 20 5 5 14
4 19 21 14 45 21 24 20 18 15 9 19

Rappel :
1 18 19 15 18 3 5 18 5 26

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