L’Aéronef a décollé ce soir pour atterrir face à un soleil couchant en plein milieu du désert d’Arizona. La magie de Calexico a opéré. La bande de Tucson venait présenter leur dernier album “Algiers”, une pépite qui prend tout son éclat en live.
Lille, un dimanche après midi, il tombe de la neige fondue. Bonjour l’ambiance. Le concert est très tôt, les portes ouvrent à 18h. L’Aéronef est glacial, comme d’habitude. En première partie, The Dodos, un duo rock indé, guitare et batterie: je n’accroche pas, ça manque d’émotions et ils jouent trop fort. Oui je suis ronchon.
La scène est – un peu – débarrassée pour Calexico. Les américains sont quand même 7 sur scène, y’a des guitares, un vibraphone, une guitare slide, des trompettes, une batterie… la scène est bien garnie. Calexico, pour situer, c’est quelque part entre Radiohead et un orchestre Mariachi. Ça ne vous avance pas plus que ça, j’en conviens. C’est un groupe qui mêle les influences country américaine, orchestre traditionnel mexicain, de la musique planante et du folk. Un mélange unique, et qui fonctionne grâce aux talents d’écriture et de sens de la Musique du tandem fondateur du groupe, Joey Burns et John Convertino.
Joey Burns est au chant et à la guitare classique, mais joué comme une acoustique, assez énergiquement, à la mexicaine. Une belle voix, très claire, très propre, qui n’en fait pas des caisses. John Convertino, lui, est à la batterie, là aussi, un jeu tout en finesse, très pro, aussi bien aux baguettes qu’aux pinceaux.
Mais Calexico ne se résume pas au tandem Burns/Convertino. Sur scène avec eux, on trouve Jacob Valenzuela à la trompette, mais aussi au vibraphone et aux claviers, et au chant en espagnol. Son compère Martin Week, un allemand, est lui aussi à la trompette, mais aussi à l’accordéon, à la guitare, au vibraphone, aux claviers… il joue un peu de tout. Tout au fond de la scène, il y a le très sympathique Sergio Mendoza aux claviers et à l’accordéon. A la basse et la contrebasse, on retrouve Volker Zander, et enfin, à la pedal steel guitar et à la gibson, c’est Paul Niehaus.
Tout ce beau monde entre sur scène et commence par le très justement nommé “Epic”. Tout de suite, un son, une ambiance, une musique salvatrice, des musiciens classieux mais simples, un chant sans fioritures et tout simplement beau. On sent le groupe très soudé, très rôdé aussi, aucune tension, juste le plaisir de jouer. John surveille tout ce beau monde derrière sa petite batterie, le strict nécessaire, Joey à sa guitare classique avec un sticker, là aussi, rien d’extra-ordinaire. Et pourtant la musique qu’ils produisent est unique, avec une sorte de perfectionnisme décontracté, naturel. Lorsque les trompettes au devant de la scène entonnent le début de “Accross the Wire” c’est tout de suite une autre ambiance, plus festive, ça crie, ça siffle dans tout les coins, sur scène, dans le public. On est bien. Il fait plus chaud aussi.
On repart sur un titre plus rock “Splitter”, issu de leur dernier album “Algiers”. On pense à du Arcade Fire. Les trompettistes sont aux claviers ou au vibraphone, Paul délaisse la pedal steel pour une guitare électrique. Calexico n’a plus d’arguments “d’originalité”, et pourtant leur musique fait toujours mouche. Une chanson qui pourrait redonner son titre de noblesse à la pop.
Retour à la frontière mexicaine avec Roka – Danza de la Muerte, taillé pour le live. Joey lance le rythme style flamenco, et c’est parti. Il partage le chant avec Jacob, qui assure les parties en espagnol, et de fort belle façon. Un air qui reste dans la tête, ça fait du bien un peu de soleil.
Autre facette de Calexico avec le mystérieux “Dead Moon”, le chant magnifique de Joey, habité par une guitare qui rappelle celle de Bashung sur la tournée des grand espaces. D’ailleurs on les visualise ces grands espaces, on s’imagine dans le désert d’Arizona au crépuscule. Magnifique.
“Para”, une des pépites de leur dernier album, reste dans cette ambiance avec une montée en puissance à flanquer la chair de poule. Quelle composition… On reste dans du chef d’œuvre cinq étoiles avec le superbe “Hush”, une ballade folk, un texte mélancolique et un chant à la beauté fragile touchante, un peu à la Thom Yorke, les manières en moins. Ce n’était pas le titre que j’affectionnais le plus sur l’album, mais en live, le groupe a fait passer tant d’émotions que je l’écoute différemment maintenant.
Retour à quelque chose de plus “léger” avec le classique “Minas de Cobre”, une intro où la guitare classique est prise entre les feux des poids lourds sur une highway, avant que la slide puis les trompettes n’arrivent à la rescousse. Enorme. Le public est de la partie, frappe dans les mains, crie. A noter que c’était un des public les plus respectueux que j’ai vu: quasiment pas d’écran de smartphone allumés pour filmer, c’est appréciable… “Not even Stevie Nicks” plus rock, puis Jacob revient au chant pour “No Te Vayas” issu du dernier album “Algiers”… Un très beau titre, entre ballade et final ambiance “film noir” avec la trompette solitaire. Superbe.
On reste dans la folk, moins mexicaine et plus américaine avec “Fortune Teller”, qui fait penser à du Bob Dylan ou du Paul Simon. Pourquoi une chanson aussi simplement pop-folk, à la mélodie toute simple mais jolie, nous accroche autant ? La magie “Calexico”, capable d’avoir ce don à la Lennon/McCartney, décrire des chansons toute bêtes mais qui fonctionnent.
Retour à une ambiance plus rock avec “Man Made Lake” de l’album “Carried To Dust” puis on vire dans la country, ambiance fanfare avec “Corona”: ça marche à tous les coups. Un rythme endiablé, une guitare country, la basse et la batterie en pompe, le tout emmené par les trompettes. La joie de vivre se lit sur les visages des musiciens, qui se font plaisir sur ce titre.
On se calme un peu avec “All Systems Red”, avec le début tout en douceur. L’occasion de parler de la voix de Joey Burns: il n’a ni une voix puissante, ni rocailleuse, ni contre ténor. Rien d’original, mais un très beau grain de voix, bien que propre, toujours juste, et d’une qualité constante. Une voix apaisante en somme, sans être ennuyeuse. Et, sans être un guitar hero – et heureusement – il a un excellent jeu de guitare, puissant en accords, et fluide en arpèges.
“Alone Again Or”, joué comme ça, ça pourrait être sur la BO d’un Tarentino. Joey et Jacob encouragent le public à battre la mesure. On reste dans une ambiance rythmée, sous les vrombissements de la guitare électrique et de la basse, ça sent le final, mais que c’est bon !
Ils saluent et repartent en coulisses et reviennent au bout de quelques minutes… ouf ! C’est reparti avec “Sunken Waltz”. Le contraste avec les morceaux précédents est assez marqué, on était chauds là, et voilà une ballade… mais tellement splendide et interprétée aussi justement, ça fonctionne. Vient ensuite le “tube” de Calexico, un beau résumé de leur musique avec “Crystal Frontier”: énergie, émotion, trompettes, guitarron, slide, mélodie qui reste en tête : tout y est. A chaque intervention des trompettes Joey fait des grands signes pour nous encourager, et la foule y va de ses cris et sifflets joyeux. On ne peut vraiment pas en rester là… et ça continue avec “Little Black Egg”, très 60’s, avec pour l’occasion Meric, le guitariste des Dodos qui revient sur scène pour les accompagner. Excellente ambiance… mais ils saluent à la fin et repartent.
Cette fois il semblerait que ce soit fini… un technicien commence même à débarrasser… mais le public ne se démonte pas, et c’est reparti, avec un final…et quel final puisque c’est “Guero Canelo”, l’occasion d’un duel entre trompette et clavier, puis trompette contre trompette, et d’une présentation des musiciens en musique. Génial.
Allez…une petite dernière… et pas la moindre puisque c’est une autre pépite d'”Algiers” avec “The Vanishing Mind”. Très beau final en point de suspension.
En sortant de l’Aéronef, il fait froid et il pleut… mais on s’en fout, on est ailleurs.
Une setlist parfaite, équilibrée, un groupe très simple, très humains, très pros, passionnés et passionnants, une musique pleine d’émotions: il fallait bien ça pour réchauffer un dimanche soir pluvieux dans le Nord. Calexico y est parvenu naturellement, sans se forcer. Un groupe qui signe en plus avec son septième album studio une de leur plus belles œuvres, qu’on savoure en live. Bravo Calexico, vous revenez quand vous voulez !
Merci encore à Danièle pour l’accréditation photo.
Calexico : la setlist
Epic
Across the Wire
Splitter
Roka
Dead Moon
Para
Hush
Minas de cobre (For Better Metal)
Not Even Stevie Nicks
No te vayas
Fortune Teller
Maybe on Monday
Corona
All Systems Red
Alone Again Or
Puerto
Rappels:
Sunken Waltz
Crystal Frontier
Little Black Egg
Güero canelo
The Vanishing Mind